APR 21 | MAY 27 2017 - Simone Fattal PAINTINGS AND CERAMICS - Photo Balice et Hertling

Balice & Hertling


IMG_0437Alexandre Hertling vient de Berlin et s’est associé à Daniele Balice, qui vient de Bari, en Italie, pour fonder en 2007 la Galerie Balice & Hertling située aujourd’hui au 47 bis rue Ramponeau, dans le vingtième arrondissement parisien, dans le quartier de Belleville. Une association transnationale à la tête d’une galerie qui se veut internationale, la galerie est en effet animée depuis sa création par le désir de mêler les différentes scènes artistiques mondiales en un lieu. Le 7 mars dernier, Giorgio Fidone a rencontré Alexandre Hertling pour mieux connaître son métier de galeriste. 
Photographie de l’en-tête : Exposition personnelle en cours – APR 21   |   MAY 27 2017 – Simone Fattal  PAINTINGS AND CERAMICS  – Photo Balice et Hertling

Naissance de la galerie Balice & Hertling

Lorsque je suis arrivé à Paris, ce n’était pas dans le but d’ouvrir une galerie. Tout a commencé lorsque j’ai rencontré Daniele Balice à New York en 2002. Nous avons ensuite passé 3 ou 4 ans à Paris, et nous avions tous deux en tête de monter un projet qui porterait sur l’art. L’idée d’ouvrir une galerie nous a intéressée, car elles étaient peu nombreuses à montrer des artistes internationaux à ce moment là. Nous avons ouvert la nôtre en 2007, et avons organisé notre première exposition en 2008.

Nous nous sommes d’abord installés dans un petit espace dans le 19e arrondissement, que l’on partageait avec Castillo/Corrales, un collectif de commissaires d’expositions et d’artistes. Castillo/Corrales fonctionnait un peu comme une galerie, à sa façon : ils organisaient des expositions, mais sans représenter les artistes. Ils avaient aussi fondé leur maison d’édition « Section 7 books », ce qui leur permettait d’éditer des livres. À côté, leur librairie vendait les livres. On organisait chacun notre tour des expositions, ainsi que des événements, des rencontres dans ce petit lieu. Même si nous étions dans le même espace, on fonctionnait comme deux galeries différentes. Alors, au bout de deux ans, on a décidé de chercher chacun de notre côté des lieux un peu plus grands.

La galerie dans laquelle nous sommes aujourd’hui est située dans le 20e arrondissement à Paris et représente une quinzaine d’artistes. Nous avons commencé à ne représenter que des artistes internationaux. Le premier artiste français avec lequel nous avons travaillé est Isabelle Cornaro, qui a eu une très belle carrière. À partir de 2009, nous avons commencé à travailler avec Neil Beloufa, un jeune artiste franco-algérien né en 1985. Il a eu un parcours intéressant pour son jeune âge, il a déjà beaucoup exposé dans des musées et galeries. En 2013, il a obtenu le prix Maurice pour l’art contemporain et a été nominé en 2015 pour le prix Marcel Duchamp.

Sept 13   |   Oct 10 2007 Exposition n°1  Kerstin Brätsch Bernhard Brungs Pernille Kapper Williams Nick Mauss Falke Pisano Reto Pulfer Oscar Tuazon
Sept 13 | Oct 10 2007 – Exposition n°1 – Photo Balice et Hertling Artistes exposés : Kerstin Brätsch – Bernhard Brungs – Pernille Kapper Williams – Nick Mauss – Falke Pisano – Reto Pulfer – Oscar Tuazon

La gestion de la galerie

Certaines choses sont essentielles pour la gestion d’une galerie. A mon avis, la gestion des finances est ce qu’il y a de plus compliqué. On est souvent amenés à prendre des risques financiers, par rapport à différents projets.

Il faut savoir être commercial, faire sa promotion ; il est important de participer à des foires. On hésite parfois à y participer, parce que ça coûte très cher : la participation s’élève environ entre 500 et 600 euros le mètre carré selon les foires 20 m2 vont donc coûter près de 15000 euros. Il faut ajouter à cela les frais de transports, et les frais d’organisation. En tout, une jeune galerie doit prévoir près de 50 000 euros pour un petit stand, et elle n’en sort pas toujours gagnante. La plupart du temps, 50% du prix de l’oeuvre est pour l’artiste, le reste sert à payer les frais. Si les gérants de la galerie connaissent déjà des gens, des collectionneurs, ils ont besoin de promouvoir les artistes, et cela implique de participer à de tels événements.

À nos débuts, les foires se sont révélées très utiles. Même si on n’a jamais vraiment couvert les frais engagés, on a rencontré des personnes dont le rôle a été important. La foire, c’est comme un investissement dans l’artiste, dans la galerie. C’est le seul moment où les collectionneurs et les commissaires d’exposition viennent acheter et s’informer.

Neil-Beloufa -
Neil-Beloufa – « Neoliberal » – 2016 – Photo Balice et Hertling

Valeur des œuvres et relations avec les artistes

Au début, on vend les oeuvres des jeunes artistes à des prix peu élevés. Les pièces sont vendues aux alentours de 3000 et 5000 euros; une grande partie du bénéfice nous sert à payer les frais de gestion, comme le transport. Le prix d’une oeuvre n’augmente pas forcément grâce aux biennales ou aux foires. Le travail d’un artiste va prendre de la valeur quand un marché va s’établir autour de lui, quand il y aura plus de demandes et que des projets importants commenceront à être mis en place. Par ailleurs, il est important pour un artiste que le prix de ses oeuvres monte, car les frais qui accompagnent sa popularité augmentent.

Nous n’avons jamais tellement pu faire monter les prix ou faire de la spéculation avec les oeuvres de nos artistes. D’une part, nous travaillons beaucoup avec des artistes conceptuels, qui produisent de grandes installations. Je pense que les galeries ont plus de facilités à augmenter le prix des peintures.

D’autre part, la galerie Balice et Hertling donne une priorité particulière aux collections publiques. Nous essayons de travailler avec des collectionneurs importants et institutionnels, et nous voulons garder un accès dans les musées. Pour cela, on présente le travail de nos artistes à des commissaires curateurs en charge des acquisitions et des expositions. Comme ils n’ont pas le même budget et les mêmes facilités que les collectionneurs privés, ils réagissent moins vite et les transactions sont plus longues. La discussion peut durer un an jusqu’à la finalisation, et elle dépend du budget global établi en amont.

À chaque fois que l’on a augmenté les prix des oeuvres, nous l’avons fait de manière progressive, à chaque événement, en gardant à l’esprit cette réalité. Je pense qu’il est important pour un artiste d’avoir la possibilité de vendre ses oeuvres à une collection publique. Il est déjà arrivé à certains artistes qu’une grosse demande et un certain marché soient mis en place; ils sont devenus tellement chers que les musées ne pouvaient plus les acquérir. Cela représente quand même un risque d’acheter une oeuvre 300 000 euros. Cela étant, personne n’est capable aujourd’hui de déterminer si une oeuvre aura pris beaucoup de valeur ou pas dans cinq ans, car il n’existe pas vraiment de corrélation particulière.

Isabelle Cornaro - 2010 - Photo Balice et Hertling
Isabelle Cornaro – 2010 – Photo Balice et Hertling

Le choix des artistes

Cela prend à chaque fois un peu de temps. On rencontre l’artiste à plusieurs reprises. Souvent, on a déjà vu leur travail plusieurs fois. On peut l’avoir découvert parce qu’un autre artiste nous en a parlé, parce qu’un commissaire d’exposition nous l’a présenté, on peut aussi l’avoir découvert dans un magazine.

Représenter un artiste, c’est avoir un coup de coeur pour son travail. Il ne s’agit pas de se dire « je veux l’avoir chez moi »; il s’agit plutôt de se demander « est-ce que je trouve que le travail de l’artiste est intéressant, par rapport au programme de la galerie, avec les autres artistes». Au-delà du travail qui nous plait, il y a la personnalité de l’artiste ; il faut que l’on s’entende bien avec lui pour arriver à se comprendre. Enfin, on doit avoir la même stratégie. On a déjà pu travailler avec des artistes que l’on aimait beaucoup, mais qui ne correspondaient pas vraiment à l’esprit de la galerie. Par exemple, Jon Rafman est un artiste que j’aime beaucoup personnellement, mais on avait du mal à travailler ensemble. Nous n’avons montré son travail qu’une seule fois, dans le contexte d’une foire, et nous nous sommes rendus compte que sa méthode de travail était trop différente de la notre. On a choisi de ne pas poursuivre notre collaboration. Parfois, je regrette, parce que j’aime bien cet artiste; cela fait partie des décisions importantes, et des questions qu’il faut être capable de se poser.

Greg Parma Smith In a Station of the Metro The apparition of these faces in the crowd : Petals on a wet, black bough . Photo Balice et Hertling
Greg Parma Smith In a Station of the Metro The apparition of these faces in the crowd : Petals on a wet, black bough . Photo Balice et Hertling

Le choix de la galerie

J’ai ouvert cette galerie avec Daniele Balice, parce que j’aime l’idée de construire une communauté d’artistes, de vivre et de faire vivre la discussion artistique dans la vie de tous les jours. J’ai besoin de ce côté vivant, dynamique. Je suis finalement plus intéressé par le travail de l’artiste que par la vente. Évidemment, nous avons ouvert notre galerie pour vendre des oeuvres, mais pas uniquement.

En 2007, nous avons réalisé qu’il n’existait pas vraiment de lieu à Paris à montrer des jeunes artistes et où il pouvait se jouer une confrontation entre artistes internationaux et français.

Les artistes ont pour but de devenir grands, importants, de marquer l’histoire. Je ne dirais pas que mon but est de devenir une « méga-galerie » comme Perrotin par exemple, mais grandir est un but, pour les galeries comme pour les artistes. Aujourd’hui, j’espère que le quartier de Belleville où on est installés va demeurer tel quel, car il est agréable pour présenter l’art contemporain. Cela ne nous empêche pas de songer à acheter un espace supplémentaire dans Paris, plus central, pour avoir un peu plus d’espace.

Avant d’ouvrir ma galerie, j’avais des hobbies. Depuis que j’y travaille, elle est devenue le coeur de ma vie. Les artistes sont une petite famille, les expositions constituent mon temps libre.

Par Giorgio Fidone,
mars 2017